Pertinence de l'éclairage de la psychanalyse dans le champ pédagogique

Des événements qui bousculent...
Il arrive que certaines rencontres dans sa vie professionnelle obligent à repenser ses positions de travail. Ainsi l'histoire de ma confrontation avec une petite fille qui n'apprenait pas à lire a-t-elle constitué un moment de butée, point de départ d'une transformation de mon rapport à la pédagogie.

Elle s'appelait Monette. Elle était une des douze élèves de "ma" classe de Cours Préparatoire, tous handicapés moteurs. Autonome dans la marche, claudiquante mais décidée, Monette du haut de ses huit ans avait une âme de rebelle. De son franc-parler, de sa voix cassée, elle lâchait ça et là des bribes de sa lointaine vie familiale faite d'abandons et de rejets. Elle était interne et de toutes façons n'avait besoin de personne, qu'on se le dise !
J'étais l'institutrice, j'avais pour mission d'apprendre à lire et écrire à tous les élèves. L'enthousiasme et la confiance en des méthodes rodées depuis quelques années m'accompagnaient. Mais Monette n'était pas prête à s'en laisser conter. Les enfants avançaient à leur rythme, irrégulier, chaotique parfois. Monette n'apprenait rien. Elle n'affichait pas un refus ostensible, elle était bien là, m'écoutant, faisant des commentaires sur tout, remettant ses camarades à leur place, apparemment présente et participante, mais cependant ailleurs. Mon inquiétude montait au fil du temps et de l'émergence de ces petits miracles que sont les "éclosions de lecture" : moments magiques où soudainement un enfant se découvre sachant lire, les mots écrits s'ouvrant sur le sens. Monette n'était pas concernée, rien de ce que j'enseignais ne paraissait faire trace, seules quelques lettres éparses avaient retenu son attention. L'affolement me gagnait. Je devins plus insistante, plus pressante. J'essayai d'autres méthodes. Il n'y avait aucune raison à cet échec : Monette était d'une vive intelligence. Je n'avais sans doute pas encore trouvé "la" bonne méthode. Et plus je m'acharnais, plus elle se cabrait et moins elle en savait.
La fin de l'année arriva. Monette ne savait toujours pas lire, alors que je l'avais tant désiré pour elle. J'étais épuisée par ce qui avait ressemblé à un affrontement quotidien, et profondément affectée par cet échec qui était d'abord le mien.

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